Réacteur CANDU

Révision datée du 17 octobre 2021 à 20:08 par energy_french>Luisa
Figure 1. La centrale nucléaire de Bruce, en Ontario, utilise 8 réacteurs CANDU à eau lourde, soit le plus grand nombre de centrales nucléaires au monde.[1]

Le réacteur CANDU est un type de réacteur nucléaire qui a été développé au Canada. Les CANDU sont utilisés couramment dans les centrales nucléaires pour la production d'électricité dans plusieurs pays du monde. « CANDU » est l'acronyme de CANada Deutérium Uranium, qui reflète le rôle essentiel du deutérium ou eau lourde, agissant comme modérateur de neutrons du réacteur, une caractéristique unique du CANDU.[2] Ces réacteurs sont différents des autres, car ils sont conçus pour utiliser l'uranium naturel comme combustible à la place de l'uranium enrichi .[3]

L'utilisation de ces réacteurs représente environ 15 % de la production totale d'électricité du Canada, avec 19 réacteurs en service actuellement.[4][5] 12 réacteurs CANDU sont également utilisés en Chine, en Corée du Sud, en Roumanie, en Inde, au Pakistan et en Argentine.[5]

Caractéristiques

Combustible

Figure 2. Assemblage de combustible CANDU.[6] Chaque paquet est de la taille d'une bûche de cheminée et fournit suffisamment d'électricité pour une famille canadienne de quatre personnes durant 100 ans.

Les réacteurs CANDU utilisent l'uranium naturel comme combustible nucléaire. L'uranium naturel est composé d'environ 0.7 % d'uranium 235, et les 99.3 % restants sont constitués principalement d'uranium 238, qui ne peut pas être utilisé directement dans un processus de fission pour obtenir de l'énergie.[7] L'uranium 238 est fertile et peut absorber des neutrons à haute énergie. Il se transforme en plutonium 239 qui est fissile et subit ensuite une fission ; ce processus représente environ la moitié de l'énergie produite dans le réacteur.[8] Les réacteurs CANDU utilisent environ 25 à 30 % moins d'uranium extrait qu'un réacteur à eau légère comparable, en raison de la meilleure utilisation des neutrons dans le réacteur.

Dans les réacteurs CANDU, le combustible en poudre d'oxyde d'uranium est emballé en pastilles et arrangé dans une barre de combustible. Trente-sept barres de combustible sont regroupées pour former un assemblage de combustible cylindrique, comme le montre la figure 2. L'assemblage de combustible mesure environ 50 cm de longueur et 10 cm de diamètre.[9] Il reste dans le réacteur de 6 à 24 mois en fonction de sa position dans le cœur.[2]

Modérateur et caloporteur

L'utilisation d'uranium naturel comme combustible est différente des autres conceptions de réacteurs qui nécessitent l'utilisation d'uranium enrichi (ce qui signifie que sa concentration en uranium 235 fissile a été augmentée). C'est le modérateur à eau lourde qui permet d'utiliser l'uranium naturel, car il n'absorbe pas autant de neutrons que l'eau légère. En fait, l'eau lourde comme modérateur est 1700 fois plus efficace que l'eau légère ![2]

Les modérateurs travaillent pour ralentir les neutrons à des vitesses auxquelles les éléments fissiles peuvent les absorber. Cela est nécessaire dans les réacteurs nucléaires utilisant de l'uranium 235, et l'eau lourde est l'un des meilleurs modérateurs disponibles. Dans un CANDU, le modérateur est maintenu à une température relativement bas, 70°C, à l'aide d'un système de refroidissement séparé et est passé à travers des systèmes de purification pour assurer une haute qualité.[2] Pour en savoir plus sur les modérateurs de neutrons, consultez cette page.

L'eau lourde sert également de caloporteur dans le CANDU. De grandes quantités de chaleur sont produites par les réactions nucléaires. L'eau lourde sert à transférer cette chaleur vers une zone où elle peut être utile, tout en refroidissant le combustible à des températures appropriées. Cette zone utile est connue sous le nom de « générateur de vapeur » et agit comme échangeur de chaleur.[2] L'eau lourde chaude circule dans les tubes à l'intérieur du générateur de vapeur, qui contient de l'eau ordinaire. La chaleur de l'eau lourde fait bouillir l'eau ordinaire et la transforme en vapeur, qui peut ensuite être envoyée dans une turbine pour produire de l'électricité.

Générateur de vapeur

Figure 3. Le faisceau de tubes en « U » inversé dans un générateur de vapeur.[10]

Comme indiqué, le caloporteur d'eau lourde chaude doit transférer la chaleur à un générateur de vapeur, qui peut ensuite faire bouillir l'eau et envoyer la vapeur à une section de turbine. L'utilisation du générateur de vapeur s'explique par la radioactivité du caloporteur à eau lourde en raison de son contact direct avec le cœur du réacteur. Si cette eau radioactive entrait en contact avec la section de la turbine, elle poserait un risque pour les travailleurs et potentiellement pour le public, et des coûts supplémentaires seraient nécessaires pour le blindage et le confinement de ces sections.[2] Le caloporteur circule dans des tubes inversés, qui sont immergés dans le générateur de vapeur, visible à la figure 3. Il y a des centaines de ces tubes pour maximiser le transfert de chaleur entre les systèmes.

Ravitaillement actif

Le ravitaillement actif dans un réacteur CANDU est une caractéristique unique qui constitue un avantage majeur par rapport à d'autres réacteurs, tels que les réacteurs à eau pressurisée et les réacteurs à eau bouillante. Le CANDU a la capacité de se ravitailler pendant que le réacteur fonctionne, alors que les autres réacteurs doivent s'arrêter complètement, ce qui réduit leur facteur de capacité.[11]

Ce ravitaillement en puissance peut être réalisé grâce à la conception horizontale du chargement du combustible, qui permet de placer deux machines de ravitaillement aux extrémités opposées d'un canal de combustible. L'une des machines de remplissage insère les nouvelles assemblages de combustible tandis que l'autre reçoit les assemblages de combustible usé de l'extrémité opposée. Ces assemblages seront placés dans la piscine de stockage du combustible usé.[2]

Configuration du réacteur

Figure 4. La face d'un cœur du réacteur CANDU avec des centaines de tubes de pression qui peuvent être rechargés en cours de fonctionnement.[12]

La configuration du réacteur CANDU diffère de celle des autres réacteurs typiques, car les assemblages de combustible sont disposés horizontalement plutôt que verticalement et sont placés dans des tubes de pression à l'intérieur d'une cuve, appelée la calandre.[2] Le cœur d'un réacteur CANDU doit être plus grand que celui de réacteurs à eau légère comparables pour atteindre la même capacité de production en raison de l'utilisation d'uranium naturel par le CANDU. Cette configuration du réacteur est illustrée à la figure 4.

Il y a des centaines de tubes de pression dans un CANDU, le nombre exacte variant d'un réacteur à l'autre. Le caloporteur circule dans ces tubes de pression, chacun d'entre eux étant enfermé dans un tube de calandre. Les tubes de pression et les tubes de calandre sont séparés par des intercalaires afin de maintenir la séparation entre le caloporteur et le modérateur. L'espace entre ces deux tubes est rempli de dioxyde de carbone, qui agit comme isolant thermique limitant les pertes de chaleur vers le modérateur.[2]

Le bâtiment du réacteur qui abrite le CANDU est constitué de murs épais en béton et en acier. Les murs des bâtiments plus récents sont également remplis de centaines de tonnes d'eau et de billes d'acier épaisses pour assurer un blindage supplémentaire.[2]

Mesures de sécurité

Mesures passives de sécurité

Les mesures passives de sécurité d'un CANDU sont les suivantes :

  • Courbure des canaux de combustible en cas de surchauffe à cause de la configuration horizontale du CANDU, ce qui aura pour effet de ralentir la vitesse de réaction. Lorsque les barres de combustible sont alignées dans la position idéale pour la réactivité, toute courbure dans un canal de combustible entraîne un ralentissement de la réaction à cause des neutrons gaspillés qui n'atteignent pas les cibles prévues.[13]
  • Barres de contrôle maintenues par des électro-aimants qui, en l'absence de signal électrique, sont immédiatement libérés dans le cœur du réacteur, rendant impossible la poursuite de la réaction.[13] Il s'agit du système d'arrêt principal d'un réacteur CANDU.

Mesures actives de sécurité

  • L'injection d'un « poison » neutronique peut être effectué pour diminuer la réaction nucléaire en cas d'urgence.[2] Ceci est fait par des pompes qui sont actionnées par un réservoir d'hélium à haute pression. Lorsque le réacteur doit s'arrêter, les vannes entre le réservoir d'hélium à haute pression et les réservoirs de gadolinium (le poison) s'ouvrent et libèrent l'hélium, ce qui entraîne le gadolinium dans le cœur du réacteur.[13] L'hélium est approprié pour ce travail car il n'a pas tendance à réagir.
  • Équipé d'une grande quantité d'eau légère pour que, en cas de perte de réfrigérant, l'eau légère fraîche puisse être rapidement mélangée au caloporteur à eau lourde surchauffée pour ramener le système à des températures de fonctionnement appropriées.[13] Cette solution n'est utilisée qu'en dernier recours, car le mélange de l'eau légère et de l'eau lourde nécessiterait une repurification du caloporteur à l'eau lourde.

Pour en savoir plus sur les réacteurs CANDU, veuillez consulter le site www.nuclearfaq.ca ou télécharger un pdf de l'e-book Half-lives.

Références

  1. Wikimedia Commons [Online], Available: http://en.wikipedia.org/wiki/CANDU_reactor#/media/File:Bruce-Nuclear-Szmurlo.jpg
  2. 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 et 2,10 D. Jackson and H. Tammemagi, "CANDU, The Canadian Reactor" in Half-Lives: A Guide to Nuclear Technology in Canada 1st ed., Canada: Oxford University Press, 2009, ch.6, pp.75-90
  3. CANDU Owners Group, "CANDU Reactors: What is CANDU?," 2012. [Online]. Available: http://www.candu.org/candu_reactors.html
  4. IEA (2014), "World energy balances", IEA World Energy Statistics and Balances (database). DOI: http://dx.doi.org/10.1787/data-00512-en (Accessed February 2015)
  5. 5,0 et 5,1 World Nuclear Association. (June 6 2015). Nuclear Power in Canada [Online], Available: http://www.world-nuclear.org/info/Country-Profiles/Countries-A-F/Canada--Nuclear-Power/
  6. From https://canteach.candu.org/Pages/Welcome.aspx (July 9th, 2015)
  7. World Nuclear Association. (July 6 2015). Uranium Enrichment [Online], Available: http://www.world-nuclear.org/info/Nuclear-Fuel-Cycle/Conversion-Enrichment-and-Fabrication/Uranium-Enrichment/
  8. From nuclearfaq.ca (July 9th, 2015) http://www.nuclearfaq.ca/cnf_sectionF.htm.
  9. J. Gonyeau, "CANDU fuel and reactor specifics," 2005. [Online]. Available: http://www.nucleartourist.com/type/candu2.htm
  10. Wikimedia Commons [Online], Available: https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/89/Nuclear_steam_generator.jpg
  11. J. Garland, "How and Why is a CANDU designed the way it is?," CANTEACH, 2003. [Online]. Available: https://canteach.candu.org/Content%20Library/20000101.pdf
  12. Introduction to CANDU 6- Part 3 Moderator, HTS, Heavy Water, by D.A. Meneley and Y.Q. Ruan. [Online], Available: https://canteach.candu.org/Image%20Library1/Forms/DispForm.aspx?ID=285&RootFolder=/Image%20Library1/19980103-Intro_to_CANDU6_China
  13. 13,0 13,1 13,2 et 13,3 CANDU 6 Program Team: Reactor Development Business Unit, CANDU 6 Technical Summary, 2005. Available: https://canteach.candu.org/Content%20Library/CANDU6_TechnicalSummary-s.pdf