Enrichissement de l'uranium

Figure 1. Une forme de minerai d'uranium connue comme Uraninite.[1]

L'enrichissement de l'uranium est un processus nécessaire pour créer un combustible nucléaire efficace à partir de l'uranium extrait. Il consiste à augmenter le pourcentage d'uranium 235, qui subit une fission avec des neutrons thermiques. Bien que de nombreux réacteurs nécessitent un combustible à base d'uranium enrichi, il y en a des exceptions : le réacteur canadien CANDU, le réacteur britannique Magnox et le modèle proposé de réacteur à sels fondus (RSF) peuvent utiliser de l'uranium naturel comme combustible.[2]

Le combustible nucléaire est extrait des gisements naturels de minerai d'uranium et ensuite isolé par des réactions chimiques et des procédés de séparation. Les procédés chimiques utilisés pour séparer l'uranium du minerai ne doivent pas être confondus avec les procédés physiques et chimiques utilisés pour enrichir l'uranium. Sous sa forme isolée, l'uranium est connu sous le nom de yellowcake et a pour formule chimique U3O8. Cependant, l'uranium naturel ne possède pas de concentration sufisamment élevée de 235U, qui ne constitue qu'environ 0.72 %, le reste étant du 238U.[3] Étant donné que l'uranium 238 est fissible et non fissile, la concentration d'uranium 235 doit être augmentée avant qu'il puisse être utilisé efficacement comme combustible nucléaire. L'enrichissement de l'uranium a pour but d'augmenter le pourcentage de l'isotope uranium 235 par rapport aux autres, avec un pourcentage nécessaire d'environ 4 % pour les réacteurs à eau légère.[3]

Processus d'enrichissement

Figure 2. L'atome bleu au centre de la molécule est l'uranium, entouré de six atomes de fluor. Cette substance se tranforme en gaz à des températures suffisamment basses.

L'enrichissement exige que l'uranium soit sous forme gazeuse, et le moyen le plus simple d'y parvenir est de le convertir en un produit chimique différent, l'hexafluorure d'uranium. L'uranium doit être sous forme gazeuse pour être enrichi à cause des propriétés chimiques et physiques des différents isotopes (235U et 238U). Ces différences sont plus facilement utilisées et manipulées lorsque l'uranium est sous forme gazeuse. Le processus de transformation du concentré d'oxyde d'uranium en hexafluorure d'uranium a lieu dans une usine de conversion, la première étape pour l'uranium après sa sortie de la mine. Le principal procédé de conversion utilisé au Canada, en France et en Russie est connu sous le nom de « procédé humide » et comporte plusieurs étapes de conversion chimique. Tout d'abord, le concentré d'oxyde d'uranium est dissous dans l'acide nitrique (HNO3), ce qui crée du nitrate d'uranyle (UO2(NO3)2). Ce nitrate d'uranyle est ensuite purifié, évaporé et enfin décomposé thermiquement pour former de la poudre de trioxyde d'uranium (UO3). Ensuite, il existe deux procédés de four dans lesquels l'UO3 se transforme en UO2 et puis réagit avec le fluorure d'hydrogène (HF) pour produire du tétrafluorure d'uranium (UF4). Enfin, l'UF4 est introduit dans un réacteur à lit fluidisé et mise en réaction avec du fluor gazeux pour produire de l'UF6. Après le processus de conversion, l'UF6 doit être raffiné pour éliminer des impuretés.[4]

Diffusion gazeuse

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Pendant plusieurs années, le processus principal était la diffusion gazeuse. Afin de séparer l'uranium physiquement, l'uranium yellowcake a d'abord été transformé chimiquement en hexafluorure d'uranium (UF6). Ce produit chimique est sous sa forme solide dans des conditions normales, mais se transforme en gaz si la température est légèrement élevée ou la pression abaissée.[3] Comme les moléculess de 235UF6 sont plus légères que les molécules de 238UF6, elles se déplacent plus rapidement par diffusion sous forme de gaz. Ainsi, si l'on fait passer de l'hexafluorure d'uranium dans un tuyau très long, le gaz qui émerge à l'extrémité du tuyau aura un pourcentage légèrement plus élevé de 235U. Cependant, le tuyau doit être extrêmement long car plus léger, le 235UF6 se diffuse seulement 0.43 % plus vite que le 238UF6.[3] Pour cette raison, la méthode de diffusion gazeuse n'est plus utilisée à grande échelle.

Centrifugeuses à gaz

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Figure 2. Cascade de centrifugeuses utilisées pour produire de l'uranium enrichi.[5]

Actuellement, l'enrichissement est réalisé à l'aide d'une centrifugeuse spéciale, appelée centrifugeuse à gaz. Le processus de séparation dépend de la différence de masse de ces molécules (voir la diffusion gazeuse ci-dessus). L'hexafluorure d'uranium est introduit dans un cylindre sous vide contenant un rotor. Lorsque ces rotors tournent à haute vitesse, les 238UF6 plus lourds s'accumulent près des parois du cylindre tandis que les 235UF6 plus légers s'accumulent près de l'axe central. Le produit enrichi est ensuite soutiré. Cette méthode est préférée à la diffusion gazeuse, car elle ne nécessite qu'environ 3 % de la puissance pour séparer l'uranium.[3] La méthode de séparation par centrifugation est beaucoup plus économe en énergie que la diffusion puisqu'elle ne nécessite qu'environ 50 à 60 kWh par UTS (unité de travail de séparation, c'est-à-dire la quantité de séparation effectuée par un procédé d'enrichissement).[2] De plus, ces plantes peuvent être plus petites car elles ne nécessitent pas de tuyau extrêmement long. Pour que la séparation soit efficace, ces centrifugeuses doivent tourner rapidement - généralement, à 50 000-70 000 rpm.[6]

Bien que les centrifugeuses contiennent moins d'uranium qu'un étage de diffusion, elles sont capables de séparer les isotopes de manière beaucoup plus efficace. Les étages de centrifugation sont généralement composés d'un grand nombre de centrifugeuses en parallèle, formant un cascade.

Séparation isotopique par laser

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L'utilisation de lasers dans un processus de séparation est encore en cours de développement. Cette technique de séparation nécessite un apport moindre en énergie et présente d'autres avantages économiques. Dans ce processus, un laser à fréquence spécifique interagit avec un gaz ou une vapeur. Étant donné que la fréquence est associée à une énergie, l'interaction du faisceau avec le gaz permet l'excitation ou l'ionisation de certains isotopes dans la vapeur. Avec cette excitation, il peut être possible de séparer les molécules contenant un isotope spécifique pour ne recueillir que l'isotope excité.[6]

Problèmes environnementaux

La plupart des procédés d'enrichissement ne concernent que des matières radioactives naturelles à longue durée de vie. L'uranium n'est que faiblement radioactif, mais sa toxicité chimique est beaucoup plus importante. Les mesures de protection requises pour une usine d'enrichissement sont donc similaires à celles des autres industries chimiques. Lorsqu'il est exposé à l'humidité, l'hexafluorure d'uranium forme un acide très corrosif, l'acide fluorhydrique. Toute fuite de ce produit chimique est indésirable, et pour éviter cela, presque toutes les zones d'une usine d'enrichissement maintiennent l'hexafluorure d'uranium gazeux au-dessous de la pression atmosphérique.[2] Cela empêche toute fuite vers l'extérieur. En plus, un double confinement est prévu dans les zones où des pressions plus élevées sont requises et où les gaz d'échappement sont collectés et traités.

L'enrichissement représente environ la moitié du coût du combustible nucléaire dans un réacteur à eau légère (un REB ou REP) et 5 % du coût de l'électricité produite. Auparavant, l'enrichissement était la principale source de gaz à effet de serre du cycle du combustible nucléaire, car l'électricité utilisée pour l'enrichissement était produite à partir de charbon. Bien que des émissions de gaz à effet de serre y soient associées, elles ne représentent qu'environ 0.1 % des émissions d'une centrale à charbon équivalente.[2]

Références

  1. Wikimedia Commons. (May 5, 2016). Uraninite [Online]. Available: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Uraninite-usa32abg.jpg
  2. 2,0 2,1 2,2 et 2,3 World Nuclear Association. (June 17, 2015). Uranium Enrichment [Online]. Available: http://www.world-nuclear.org/info/Nuclear-Fuel-Cycle/Conversion-Enrichment-and-Fabrication/Uranium-Enrichment/
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 et 3,4 Jeff C. Bryan. (June 17, 2015). Introduction to Nuclear Science, 1st ed. Boca Raton, FL, U.S.A: CRC Press, 2009.
  4. World Nuclear Association. (May 12, 2016). Conversion and Deconversion[Online]. Available: http://www.world-nuclear.org/information-library/nuclear-fuel-cycle/conversion-enrichment-and-fabrication/conversion-and-deconversion.aspx
  5. Wikimedia Commons. (June 17, 2015). Gas Centrifuge Cascade [Online]. Available: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gas_centrifuge_cascade.jpg#/media/File:Gas_centrifuge_cascade.jpg
  6. 6,0 et 6,1 Ian Hore-Lacy. (June 17, 2015). Nuclear Energy in the 12st Century, 1st Ed. Burlington, MA, U.S.A: Elsevier Inc, 2006.